mardi 22 avril 2014

Haro sur les stéréotypes !

 
Le billet de René-Pierre Samary



Ah ! Cette saleté de mot !
Cette saloperie d’idée, qui enferme l’Autre (avec majuscule, s’il vous plaît, alterophilie oblige) dans l’étroite définition qui lui est assignée ; réduit à son sexe, à son origine, à son phénotype !
Ennemi de tout réductionnisme, je vais me faire l’avocat du diable.
Messieurs les jurés, Mesdames les jurées, l’accusé est bien coupable. Je vais plaider les circonstances atténuantes, et tenter de démontrer que chacun(e) abrite en lui (et elle) cette bête malfaisante, que l’on nommera au choix stéréotype, idée reçue, archétype, préjugé… comme le diable peut être Satan, Méphistophélès ou Lucifer.

Veuillez, Mesdames et Messieurs, considérer la scène suivante : un homme (une femme) avance vers vous d’un pas décidé, un rictus cruel sur son visage, un couteau à la main.
Vous concluez illico : voilà quelqu’un qui en veut à ma peau si perforable.
Erreur ! Cette personne, en retard pour son travail à la boucherie hallal du coin, est simplement affligée d’une déformation faciale dont elle ne peut mais. Vous l’accusez injustement. Vous avez été victime d’un stéréotype, non d’un(e) présumé(e) assassin(e).
Vous m’objecterez : oui maiz’enfin, il est probable… et je tiens à l’intégrité de mon épiderme.
Je vous répondrai : bravo. Vous venez de prononcer les mots qui plaident en ma faveur. La probabilité d’une chose, plus ou moins haute, entraîne une évaluation entachée d’un préjugé, et cela d’autant plus que l’enjeu est important, et que la réaction doit être rapide.

Un guide assez sûr


J’admets que mon exemple peut paraître caricatural, excessif. Quel rapport peut-il y avoir entre une réaction instinctive de combat ou de fuite (je vous déconseille la première option), et l’odieuse attitude consistant à enfermer une catégorie de personnes dans une sorte de ghetto statistique, un tiroir bien verrouillé où elles sont sommées de demeurer ? C’est à leur égard une profonde injustice, et l’esprit de justice est une vertu majeure.

Je vais développer deux types de considérations, en réponse à la question : pourquoi existe-t-il des préjugés ?
L’exemple précédent indique comment ils se construisent : quelques informations élémentaires (rictus, attitude hostile, couteau) à partir desquelles notre système nerveux central donne un ordre qui peut se traduire par « courage, fuyons ».
Cette réaction est nécessairement non-intellectualisée. Elle est bâtie sur une expérience collectée durant les millions d’années de l’Évolution. L’organisme le plus simple, l’amibe unicellulaire, esquive à sa façon un environnement défavorable, bien que dépourvue d’organes locomoteurs et du moindre système nerveux. Nous faisons de même quand nous éloignons notre doigts d’une allumette enflammée, sans nous interroger sur ce qu’est un doigt, ce qu’est le feu, et pourquoi ça fait mal. Quelque chose nous dit que se brûler est douloureux, et que, au vu d’une attitude hostile, il y a urgence à traiter cette information, et non à la suite de délibérations intellectuelles. Tous les êtres vivants savent cela, du plus simple au plus évolué, pour la simple raison que s’ils ne le savaient pas, ils n’existeraient pas. Le traitement de ce type d’information est indispensable à la survie de l’individu, donc de l’espèce (pour ce qui est des super-espèces que sont les sociétés humaines et animales, nous verrons plus loin).
J’entends ronchonner : nous ne sommes pas des animaux, nous n’obéissons pas à nos instincts.

(Voire. Nous y obéissons plus souvent qu’on ne le croit, et pas toujours aux meilleurs. Mais l’instinct est un guide assez sûr, je le constate quand je vois des crabes de plage grimper aux cocotiers à l’approche d’une marée cyclonique, sans avoir écouté Météo France, mais passons).

De gros vantards


Chez l’homme, le développement du néocortex a fait que l’homme (et la femme) possède plusieurs cerveaux, l’un tout beau tout nickel, d’autres plus ou moins archaïques, mais bien utiles quand même. Ces différents cerveaux discutent, délibèrent, se contredisent parfois de façon anarchique, prennent autorité les uns sur les autres.
Dans nos cerveaux anciens se sont accumulées par strates successives des informations du type « c’est chaud, j’enlève mon doigt », et plus tard du type « attitude hostile, gros balèze, je me barre ».
Dans notre néocortex sont stockées des informations infiniment plus nombreuses, les capacités de les extraire et de les comparer, d’explorer mentalement le monde réel et le monde des idées.
Sous la boîte crânienne, c’est un peu la Tour de Babel. Le langage de l’émotion et des réflexes innés voisine avec celui de la pensée analytique. Ceux et celles qui se croient dépourvus de cerveau reptilien, et croient n’obéir qu’à la logique, sont de gros vantards.

(Le lecteur aura la bonté de mettre désormais au féminin tous les mots au masculin, afin d’être équitable, et ça m’ôtera un travail fastidieux).

C’est notre néocortex qui nous demandera, une fois revenu sain et sauf à la maison, un peu essoufflé : cet homme au couteau me voulait-il vraiment du mal ?
C’est lui qui nous demandera : n’ais-je pas mal agi en obéissant à un préjugé ? Ais-je contrevenu à la haute vertu de justice ?

Éthique de responsabilité


Vertu de justice (absence de jugement a priori) et vertu de prudence sont dans la pratique comme deux canassons tirant chacun de leur côté. Il y a bien un point d’équilibre, et j’imagine le situer dans l’acceptation de nos cerveaux anciens et nouveau, qui chacun joue son rôle. Ni animaux ni purs esprits, céder au premier conduit à l’abêtissement, le nier exclue tout un « savoir » inné au profit du pur intellectualisme : amputation, dans les deux cas, d’une partie de nos capacités cognitives. Le simple « bon sens » fait souvent appel aux deux.

Esprit de justice et esprit de prudence tiraillent en des sens divergents, entre l’éthique de conviction et l’éthique de responsabilité. L’idée de l’a priori, du préjugé, s’appuie sur la probabilité d’une conséquence construite sur l’expérience. Quand les Juifs étaient traqués par la Gestapo, ou les Koulaks par les sbires de Beria, ils ne supposaient pas que les bottes qui frappaient à la porte appartinssent à des hommes venus leur souhaiter shama tova, ou partager une bouteille de vodka.
Ils avaient construit des stéréotypes, fort bien informés, du SS et du coco flingueur.

Une évidente absurdité


Le cerveau « automatique » nous fait obéir à des a priori empiriques indispensables à la survie. Le cerveau nouveau, analytique si l’on veut, construit et sur-construit à partir de probabilités admises comme opérationnelles, dont l’éventail d’exactitude parcourt une trame va du quasiment sûr au franchement erroné, en passant par le presque certain et le probable. À un certain point, il y a de l’abus, comme dirait l’autre, d’autant plus que certaines « vérités » peuvent se révéler obsolètes à la lumière d’une information plus complète. À quel moment un cliché devient une fausse pièce d’identité ?
Présenter toute généralisation comme abusive (le fameux il-ne-faut-pas-généraliser) est une évidente absurdité. Toute pensée s’appuie sur des concepts, qui sont autant de réductions de diverses variations de l’objet considéré à des constantes. Les pommes peuvent être d’api ou de reinette , toujours elles tombent. Newton en tire la théorie de la gravité.
En généralisant.

Ici intervient un paramètre essentiel, qui éclaire notre scénette de l’homme au couteau. L’intensité d’un danger est chose différente que sa fréquence. La réaction auto-conservatrice tient compte en premier lieu de la « hauteur » du risque. Traverser une rue piétonne les yeux fermés expose à une probabilité assez élevée de se heurter à un passant. 
Pas grave ! 
Traverser les yeux bandés une voie ouverte aux automobiles, même rares, personne ne s’y risquerait : danger de fréquence similaire, mais de haute intensité !
Un préjugé se construira plus facilement, et solidement, quand le danger est ressenti comme immédiat, et de forte intensité. Le sentiment (argumenté) que son territoire est envahi provoquera ce type de phénomène, réflexe qui peut être considéré comme regrettable, mais nécessaire à la conservation d’un espace géographico-culturel gardien de ressources, de coutumes intériorisées, de certains modes de vie, d’une culture spécifique, et cela jusqu’aux règles de politesse comprises comme un civisme.

Douce et inoffensive


Nous nous déplaçons sans en être pleinement conscients dans un système de valeurs, un système de références. Nous portons en nous une vaste collection de stéréotypes, jusqu’à en attribuer aux animaux. L’aigle – qui doit ses yeux rapprochés au besoin d’avoir une très bonne vision stéréoscopique – est ressenti comme noble, impérieux, cruel. Le serpent au déplacement sinueux sera taxé de fausseté. Là, il y a vraiment de l’abus !

De là, un homme dont le visage a certains traits « durs » (yeux enfoncés dans les orbites, bouche mince par exemple), apparaîtra comme décidé, méchant ; alors que la femme aux lèvres ourlées, au visage lisse, sera vue comme douce et inoffensive (par analogie au visage enfantin) alors que foisonnent les exemples du contraire.

Structuration


Tout phénomène touchant à la morphologie et au psychisme n’existe qu’en fonction d’une nécessité. Le chat a des griffes recourbées pour attraper des souris.
À quoi sont utiles les préjugés ?
Ils servent sans doute à guider nos actions, au niveau infra-rationnel. On n’a pas toujours le temps de faire dans la dentelle. Les préjugés et autres stéréotypes font dans le gros, parfois dans le grossier. Le cerveau supérieur fait dans le détail..
Les préjugés sont comme un savoir peu élaboré, un c’est comme ça ayant pouvoir de structuration.
La pensée pure peut s’élever au-dessus de cette sagesse prudentielle, elle ne saurait l’éradiquer (avec toutes les chances d’insuccès) sans danger. Les lois qui gouvernent les systèmes de parenté chez les peuples primitifs ne s’appuient pas sur des notions génétiques avertissant des dangers de l’endogamie. Elles étaient pourtant efficaces, en empêchant les unions plus ou moins incestueuses.

Quand on passe de l’individu au supra-individuel (les sociétés animales et humaines), les préjugés ne sont pas moins opérants afin de les structurer. Le squelette structure le corps, au prix d’une perte de souplesse, mais permet la station debout. Les civilisations sont charpentées par un ensemble de représentations plus ou moins automatiques, et cette cohésion se paie au prix d’une certaine rigidité. L’idée que les groupes humains se font d’eux-mêmes, et des autres, est indispensable à leur existence. Toute société ne peut être pérenne qu’en portant en elle un certain nombre d’archétypes élaborés de façon plus ou moins artificielle, et quasi-instinctive.
La notion de territoire, vieille comme la vie, est soutenue par un inconscient collectif, dont les manifestations peuvent être comiques, mais néanmoins nécessaires.
Ses conséquences peuvent aussi être tragiques, quand ce psychisme collectif est instrumentalisé pour générer la haine du « différent ».

Bonne et mauvaise diversité


Claude Lévi-Strauss, dans Le Regard éloigné, soulignait « qu’il n’est nullement coupable de placer une manière de vivre et de penser au-dessus de toutes les autres, et d’éprouver peu d’attirance envers tels ou tels dont le genre de vie, respectable en soi-même, s’éloigne par trop de celui auquel on est traditionnellement attaché. »
Ce sont bien des archétypes collectifs (des stéréotypes, des préjugés) qui sous-tendent l’idée d’appartenance. Les mythes collectifs, les manières quasi-innées de se comporter et de penser, peuvent être vus comme obsolètes, et l’enracinement être considéré comme un passéisme ringard.
Malheureusement pour nos demi-intellectuels, la diversité qu’ils adulent n’existe qu’à l’aide de ces automatismes généralisateurs – de ces stéréotypes, si l’on veut. Le penchant pour le métissage de ces mêmes maîtres à penser va exactement dans le sens inverse, mais cette contradiction ne surprend pas, quand on comprend qu’il y a pour eux une bonne diversité – celle des autres – et une mauvaise diversité – la nôtre.
De même, il y aura de bons préjugés – que le préjugé ce soit « mal » en est un – et de mauvais préjugés : la liste en serait longue, le catalogue est disponible au Service com’ du Ministère de la Pensée Conforme.

Il y a finalement plusieurs attitudes concevables par rapport aux préjugés. Au niveau inférieur de la réflexion, on peut y être pleinement soumis, et c’est dommage. À un niveau intermédiaire, on les juge haïssables, car réducteurs et auto-réalisateurs. C’est le cas de nos demi-savants qui nous infligent leur demi-science.
À un niveau plus élevé de la réflexion, on peut à la fois accepter l’utilité des préjugés, tant individuels que collectifs, tout en les maintenant à leur place : celle d’une réflexion rudimentaire mais aussi salvatrice.

Impudence et imprudence


Messieurs et Mesdames les jurés, j’en termine avec ma péroraison.
Croire – et c’est un préjugé parmi d’autres - que tout est possible, que rien n’est irréversible, témoigne de la légèreté toute féminine de l’homme moderne, opposée à la méfiance de l’homme traditionnel.
Signaler une disposition « naturelle » pour éventuellement la relativiser (selon le vieux principe qui veut qu’on ne traite bien que ce que l’on identifie clairement) est certainement plus conséquent qu’en nier les possibles bienfaits.

Devenue sport national des pseudo-élites, la chasse aux préjugés bat son plein.
Jamais, sans doute, dans un monde voué à être conflictuel, l’impudence de ceux qui nous gouvernent n’a eu pour corollaire autant d’imprudence.


Prochain sujet : Un certain jour de printemps

lundi 21 avril 2014

dimanche 6 avril 2014

Elles iront pisser (debout) sur sa tombe

Pauvre Julius !
Pas celui du Rubicon ou des Ides de mars.
Julius Evola
Il s’agit de Julius Evola, philosophe italien mort en 1974 à 76 ans, défenseur d’une « contestation globale », auteur en 1958 d’une Métaphysique du Sexe à ne pas mettre entre toutes les mains (de même que les téléphones portables, les amplificateurs, les voitures puissantes, etc).
Pas de femmes à poil (pauvres bambins !), mais une approche de l’Eros qui se trouve être à contre-courant du Zeitgeit, de notre air du temps.

Une loi de la complémentarité

Dans son ouvrage, le vieux romain nous invite à une lecture de l’amour sexué fondé sur la différence, et non sur cette semblance que voudraient nous imposer les tenants d’une pensée à base de saindoux informe. Evola ne croit pas à l’amour sexué défini comme un simple mécanisme d’attirance entre des êtres interchangeables et relativement indéterminés (les feux de l’amour chez les gastéropodes !)
Pas plus, il n’accepte un Eros fondé sur une « interprétation finaliste du phénomène érotique » (la ruse de la nature, à des fins de reproduction de l’espèce).

Evola voit le phénomène amoureux, au sens le plus profond, comme résultant d’une « loi de la complémentarité » ; loi qui suppose, chez la femme et chez l’homme, la recherche du complément féminin chez le masculin, et réciproquement. « Partant de l’idée que lorsqu’on prend pour critère l’homme absolu et la femme absolue, il y a en général de l’homme dans la femme et de la femme dans l’homme (…), l’attraction maximale s’éveille entre un homme et une femme ainsi faits que si l’on additionne les parts de masculinité et de féminité présentes chez l’un et l’autre, on obtient comme total l’homme absolu et la femme absolue. »

Ah ! Qu’en termes galants… Mais attention Mesdames, le calme précède la tempête !

Il aime parce qu’il aime

L’attirance sexuelle est donc comparable à une attraction entre deux pôles (yin et yang dans la tradition extrême-orientale), semblable à celle obtenue par l’induction électrique entre des aimants/amants. Ces deux pôles doivent nécessairement avoir des signes différents.
L’attirance sexuelle n’a rien à voir avec des stéréotypes fondés sur l’apparence physique, ou des présupposés psychologiques : « Un homme n’aime point une femme parce qu’elle est belle, aimante, ou intelligente, gracieuse, suggestive d’une forte et exceptionnelle volupté. Ce sont des explications satisfaisant à la logique ordinaire… Il aime parce qu’il aime, et c’est ce mystère qui révèle le magnétisme de l’amour. » C. Mauclair, La Magie de l’Amour).

Cette attraction spontanée entre les amants, indépendante de la volonté, n’exclue pas qu’elle soit stimulée de façon semi-consciente, et se cristallise comme le dit Stendhal (De l’Amour), par « une sorte de fièvre d’imagination, laquelle rend méconnaissable un objet le plus souvent ordinaire, et en fait un être à part. »

Une époque toujours plus asexuée

Je laisse à regret de côté les savantes hypothèses d’Evola sur le mythe de l’androgynie primordiale, sur le rôle de l’odorat dans le magnétisme érotique… (Ah ! cette horreur actuelle des odeurs corporelles, « corrigées » à force de déodorants, symptomatique d’une époque toujours plus asexuée à mesure qu’elle devient plus exhibitionniste !)
Il y aura bien des haussements d’épaule, des moues dédaigneuses, à l’égard d’une Métaphysique du Sexe largement inspirée par une anthropologie de type traditionnel et d’un ésotérisme évidemment considéré comme « dépassé » - comme si l’homme moderne, cet éclair fugace dans la nuit des temps, avait tout inventé, et qu’avant l’heure des monothéismes et le règne de l’égalité, il n’y ait rien d’intéressant à observer.

Plasticité et mauvaise foi

Mais il faut en arriver au moment où Julius franchit le Rubicon. Accrochez vos ceintures, ou plutôt votre gilet de sauvetage.
« Femme absolue », c’est plutôt flatteur. Mais qui est-elle ? Quelle est sa psychologie ?
Evola considère comme évidentes la versatilité, l’instabilité et l’inconstance du tempérament féminin (et du tempérament masculin, « chaque fois que l’homme a quelque chose de féminin en lui. »
(Je dirai bien : comme c’est habile, d’inscrire des défauts qui peuvent être masculins au débit de notre part féminine. Mais je ne me sens pas de taille à argumenter avec un philosophe aussi éminent, de surcroît italien. En plus, il est mort.)

Selon Evola, cette « plasticité » féminine a pour corollaire que « la mauvaise foi est en elle par nature. Elle a pour conséquences « une grande crédulité, l’adaptabilité et la tendance à se laisser suggestionner » (anticipait-il les Femens ?), ainsi que l’aptitude à assimiler les idées venues de l’extérieur. Pour Evola, « le caractère passif de l’assimilation (de ces idées) explique la manifestation d’un conservatisme », et il questionne l’opposition apparente entre, d’une part, « le caractère changeant de la nature féminine, et d’autre part le fait que, sociologiquement, la femme exprime (…) des tendances néophobes ».

(La femme, conservatrice ? Alors qu’aujourd’hui les femmes en vue adoptent des positions « progressistes » ? Mais ce progressisme en est-il un, et n’est-il pas plutôt l’adhésion à de vieilles lunes abusivement présentées comme anticonformistes ?).

Ni logique, ni éthique

S’agissant de la logique, Evola s’appuie sur O. Weininger. Il n’y aurait, chez « la femme absolue, privée d’être, ni mémoire, ni logique, ni éthique ». Il ne s’agit pas de la « logique courante, que la femme sait utiliser avec une habileté et une subtilité indéniables, bien qu’elle en fasse un usage polémique proche de la sophistique. Il s’agit de la logique en tant qu’expression d’un amour de la vérité pure et de la cohérence intérieure. »

Quant à l’éthique, Weininger remarque que « rien n’est plus déconcertant pour l’homme que le fait de constater, lorsqu’il demande à une femme en train de mentir : « pourquoi mens-tu ? », que celle-ci reste étonnée (…) ou encore éclate en sanglots. »

(Aujourd’hui, elle se mettrait plutôt en rage. Comme le temps passe !)

Voilà bien des propos nauséabonds, qui vaudront à Evola d’être abondamment compissé, sinon compulsé. En vain plaidera-t-il, au sujet de l’égalité hommes/femmes, que cette question est privée de sens : « On ne peut pas plus se demander si la femme est supérieure à l’homme que se demander si l’eau est supérieure ou inférieure au feu ». Le critère de mesure ne peut pas être fourni par le sexe opposé, « mais seulement par l’idée du sexe auquel on appartient. »
Ces lignes lui vaudront-elles un nihil obstat de la secte antisexiste ? Que non pas, puisqu’il ajoute : « Les revendications de la femme moderne dérivent donc d’ambitions erronées, ainsi que d’un complexe d’infériorité – de l’idée fausse qu’une femme en tant que telle, en tant qu’elle est « seulement femme », est inférieure à l’homme. »
Ainsi, pour Evola, les femmes ne sont ni inférieures ni supérieures ; elles sont in-comparables, et ne se révèlent inférieures qu’en cultivant « l’idée fausse » de leur comparabilité.

Une réhabilitation de l’amour ?

Evola, philosophe et érudit, il ne fallait pas s’attendre à ce qu’il maniât la langue de bois. (l’anacoluthe, c’est mon péché mignon)

Peu goûteux des excommunications ricanantes si prisées dans les débats-télé, je trouve dans Evola des fruits qui ne tombent que si on se donne la peine de secouer l’arbre, plutôt que de le déraciner.
Celui-ci en particulier : à travers les idées de complémentarité d’ordre magique et d’une in-comparabilité entre les sexes, c’est aussi à une réhabilitation de l’amour sexué qu’il nous convierait ; un amour sexué dont on assiste, grâce à nos apprentis-sorciers et sorcières, à la banalisation, jusqu’au dégoût. J’y reviendrai.

Dans sa préface, Evola, parlant du sexe dans le monde moderne, écrit : « Jamais comme aujourd’hui le sexe et la femme n’ont été mis au premier plan. Sous mille formes, la femme est exhibée pour attirer et intoxiquer sexuellement, sans cesse, l’homme. »
Plus loin : « La diffusion pandémique de l’intérêt pour le sexe et la femme caractérise toute époque crépusculaire. » C’est « l’un des nombreux phénomènes qui nous montrent que cette époque représente la phase la plus poussée, terminale, d’un processus de régression. »

Evola a écrit aussi, entre autres, Chevaucher le Tigre.

C’est qu’il n’avait rien d’une lavette, ce pauvre Julius.



Métaphysique du Sexe, Julius Evola, Editions l’Age d’Homme, 370 pages.



Prochain billet : Il a (presque) tout expliqué

dimanche 30 mars 2014

Le secret des dieux, ou la démocratie impossible

Holà ! Un peu de sérieux !
L’heure est grave !
C’est souvent dans les alcôves que se joue l’avenir, l’avez-vous remarqué ? Je sais, neuf mois plus tard.
Je veux dire, l’avenir politique.
Si vous ne le croyez pas, lisez le truculent ouvrage de Guy Breton, Histoires d'amour de l'histoire de France. Publiées entre 1954 et 1965.
Je sais, ça ne nous rajeunit pas.
Mais ça donne à réfléchir. D’où la digression qui suit (si vous vous perdez, appelez-moi – Guatemala, indicatif 507).

« Il croit ce qu'il dit ? »

Christian Beulac, alors (1978) ministre de l'éducation nationale, était interrogé à propos de l'école unique.
Question : beaucoup de parents se demandent si c'est une formule heureuse de mettre ensemble les bons et les mauvais élèves. Réponse du ministre : "pour moi, il n'y a pas de bons ou de mauvais élèves, il n'y a que des élèves tout court".
Alain de Benoist * rapporte ce propos au professeur Debray-Ritzen qui répond après un long silence : "À votre avis, il croit ce qu'il dit ?"
Soit le ministre était un imbécile - ce qui n'est pas à exclure -, soit il ne l'était pas (il est d’ailleurs revenu sur ce thème, de façon plus réaliste). Néanmoins, il s’est cru obligé de réciter machinalement son credo à l'usage des crétins, un credo auquel il ne croyait pas. Un rite compulsif parmi tant d'autres.
Ce credo, c'est bien sûr celui de l'égalité.

Que l'égalité telle qu'on l'entend aujourd'hui soit un mythe –mythe nécessaire, c'est une autre affaire -, voilà qui n'est plus à démontrer.
Différence, donc inégalité des talents, entre les hommes et les femmes, entre les individus, entre les groupes humains, le simple bon sens le suggère, et la science le confirme.
Mais l'idée d'inégalité fait peur. L'idée de supériorité ou d'infériorité effarouche. Elle révolte.
Elle n'intimide que les esprits faibles.
Il y a tant de façons d'être "égal" !
Il faudra y revenir.

Binôme gouvernants/gouvernés

Pourquoi la démocratie impossible ? Ou plutôt pourquoi l'est-elle devenue ?
L'homme a toujours vécu dans des formes d'association, de plus en plus complexes, mais qui peuvent se réduire au binôme gouvernants/gouvernés.
Certes, différents types de hiérarchies s'entrecroisent, collaborent, se combattent. Il n'en reste pas moins qu'une seule, aujourd'hui, surmonte (théoriquement) les autres, celle du pouvoir politique.
Sans entrer dans les détails où le diable se niche, elle seule détient le monopole de la force (celle d'imposer) et ce monopole repose sur la légitimité. Sans légitimité, la force devient arbitraire, et c'est bien ce qui se produit de nos jours.
Un mot sur la force, avant de parler de la légitimité. Il ne s'agit bien sûr pas que de la force sous sa forme violente, mais aussi et surtout de la force de persuasion, à laquelle les médias français, trahissant leur rôle, prêtent si joyeusement la main. Les bobards d’or 2014 ne sont malheureusement que la partie émergée de l’iceberg.


La légitimité autorise l'emploi de la force, de quelque type qu'elle soit. S'agissant de la légitimité du pouvoir politique, inutile d'insister sur deux aspects abondamment dépeints par ce que les enfants de soixante-huit, experts en formules incapacitantes, nomment la réacosphère.
Premier aspect, la médiocrité patente de nos dirigeants, qui avec Hollande bat de nouveaux records.
Second aspect, l'illégitimité de places conquises par le clientélisme.
Mettons cela de côté, et creusons plus profond, au risque de vous perdre de vue. C'est aux racines même de l'idée démocratique que se trouve la cause essentielle de la crise de légitimité.
Gouvernants/gouvernés. L'existence de ces deux classes a pu être soutenue par le droit divin. Cela a été le cas, sous une forme ou une autre, depuis l'aube des civilisations.
Le retrait, ici et maintenant, des croyances religieuses, a laissé la place à d'autres croyances. Un drapeau, un messianisme historique, une race élue, faisaient du chef l'interprète inspiré d'un devenir collectif. Sa lucidité supérieure en imposait.
L'exercice démocratique n'est possible que s'il existe, plus ou moins, une reconnaissance implicite, chez les gouvernés, d'une supériorité quelconque sur le commun, supériorité qu'on admet comme méritée.

Une inconscience himalayenne

L'idée égalitaire, malheureusement si vivace aujourd'hui, ne peut qu'interroger cette supériorité autrefois admise comme allant de soi ; cela d'autant plus que les dirigeants, par leur comportement, prêtent le flanc à la critique.
Il faut une inconscience himalayenne pour ne pas comprendre que lorsque la légitimité née de la compétence s'effrite, il reste au moins au gouvernant un ultime atout, la dignité ; que même en cas d'échec patent, il reste encore une marche à descendre pour se mettre au niveau du commun. Les  scènes conjugales de l'homme de la rue s'accompagnent parfois de vaisselle cassée. Quand ça se passe chez son voisin à Kremlin-Bicêtre, il rigole, l'homme de la rue. "Voilà encore mémère, ou pépère, qui prend sa trempe !" Quand les bruits de vaisselle (de Sèvres) viennent de l’Elysée, même si c’est une rumeur, il rigole encore plus, jusqu'au moment où il se demande qui va payer.
Il faudrait moins rigoler, et se dire que là, pour le coup, il ne reste rien. Que la démocratie est morte.

D'un dirigeant qui peut et doit se considérer ès fonctions comme « au-dessus » mais qui par ses actes se rabaisse à un niveau d'indécence qui peut être celui de monsieur tout le monde, scènes de ménage incluses ; de ministres qui s’empêtrent dans des mensonges contradictoires,  que peut-on dire ?
D'un président qui ne peut que (feindre de) croire a l'égalité, que cette supposée égalité repose sur le mérite, et qui se conduit d'une manière indigne de sa fonction, qu'en conclure ?
J'en conclue qu'il ne croit pas au credo qu'il professe, celui de l'égalité. Soit le mérite est le nécessaire contrepoids de l'idée d'égalité (idée fausse, je le soutiens), auquel cas l'idée d'égalité est (difficilement) défendable, soit on biffe l'idée de mérite, et le concept d'égalité s'écroule.

Ils y croient, à ce qu'ils disent ?

L'exemple Hollande et de sa croquignolesque équipe que n'est bien sûr pas unique. Ils pullulent, les petits marquis de la république. Croient-ils à l'égalité ? La pratiquent-ils, cette foi, même sous la seule forme qu'elle devrait connaître, l'égalité devant la loi ?
Évidemment non !
C'est ce que j'ai appelé le secret des dieux : feindre de croire en une religion à laquelle on n'obéit pas, comme le boiteux à qui Napoléon demandait de faire semblant, au moins.
Au fond de lui-même, un dirigeant se pense comme d'une catégorie supérieure. Je le pense aussi, encore faut-il qu'il montre qu'il est digne d'être élevé au-dessus du commun.
À partir du moment où ses actes contredisent les principes auxquels il doit sa position, ce n'est qu'un hypocrite, qui nous demande de nous agenouiller devant une idole qu'il ne révère qu'en tant qu'utilité, ad usum populi.
L'idée d'égalité est sapée par les actes de ceux-la même qui en vivent.
Je sais, il faut bien gagner sa croûte, comme vous et moi. Moins bien, plus ? Oui, un peu plus.

Reste la grande question. La démocratie peut-elle faire l'économie de l'idée égalitaire, quand celle-ci, se heurtant au réel, a dégénéré en égalitarisme (rendre égal, par la contrainte, ce qui ne l'est pas naturellement).
Cette question doit être posée, puisque très vite il n'y aura plus personne pour y croire, qu'il s'agisse des grands pontifes de la religion égalitaire, ou de l'homme de la rue - pour la femme, chez qui le poncif égalitaire sert encore de vade mecum, cela prendra sans doute un peu plus de temps !
Oui, les talents et les caractères sont différents, et inégaux. Et bien davantage de façon innée qu'en fonction du milieu.
Il faudra faire avec.

* Au Temps des Idéologies à la Mode, éditions Copernic

Prochain billet : Elles iront pisser (debout) sur sa tombe

dimanche 23 mars 2014

L'itinéraire d'un enfant martyr

Je croyais naïvement que le seul amuseur public, en France, c’était Dieudonné M’Bala M’Bala, tant Manu-les-valseuses lui a fait de publicité. Je me trompais. Il y en a d’autres, comme je viens de l’apprendre en lisant un livre à tirer des larmes aux yeux*. Les lecteurs de « Guatemala Magazine » ne connaissent sans doute pas un Français (de pure souche) nommé Stéphane Guillon ; un humoriste dont l’internationale célébrité n’a cependant pas franchi l’Atlantique.

L’addiction paternelle

Stéphane Guillon, né en 1968 dans la banlieue sordide de Neuilly-sur-Seine, a connu une enfance difficile entre une mère, modeste marchande de tableaux Avenue de Messine et un père dont l’économie était le triste métier. On imagine le dénuement de ce foyer.
Un père économe, mais surtout absent. Aucune communication : tous les matins, l’homme est rivé à son poste de radio. Il écoute France Inter. L’enfant, les yeux suppliants, aimerait recevoir un mot, un simple sourire. Rien. Le père est un addict de la radio publique.

L’enfant grandit. Adolescent, il rêve de devenir un héros, un cosmonaute, un grand savant… Mais un jour, il va au cinéma. Le destin veut qu’y soit projeté Elephant Man, le chef d’œuvre de Bram Stocker (ou de Franz Murnau, je ne sais plus). Rentré chez lui, il se regarde dans une glace et se recule, horrifié. Son dos voûté, ses genoux cagneux, ses yeux « en couille de loup » sous un front bas… Merrick faisait rire de sa laideur. Sa vocation est trouvée. Il sera comique professionnel.

Un cri de détresse

Ses deux ans à France Inter seront comme un grand cri de détresse. De même que les enfants multiplient les sottises pour attirer l’attention de géniteurs indifférents, Stéphane multiplie les incartades, les grossièretés, les insultes. Étrange relation d’amour-haine entre lui et le média, entre lui et ceux qu’il « dézingue » au micro ! Mais la psychanalyse explique le paradoxe apparent. « Dézinguer », en Français des bas-fonds, c’est tuer. Schlesinger, Jean-Luc Hees, Philippe Val, Dominique Strauss-Kahn, Nicolas Sarkozy, Éric Besson, Nicolas Hulot, autant de pères symboliques. Parfois, les victimes s’insurgent. Guillon, ivre de sa toute-puissance, réplique, riposte : ce dialogue avec le père, il faut l’entretenir comme un feu sacré. On le menace de violences physiques. Lui rappellent-elles les taloches paternelles, quand le petit Stéphane empêchait le vrai père d’écouter tranquillement la radio ?

Le cas Guillon ne pouvait laisser indifférent les lecteurs (et lectrices) de « L’Écho du Guatemala » (parution tous les semestres, 300 Quetzales, règlement par carte bancaire). Consciencieux, j’ai visionné des dizaines de sketches sur YouTube. C’est vrai qu’il ne manque pas d’abattage, le bougre ! (non, le bougre, c’est un autre).
J’ai sollicité un rendez-vous. On m’a mis en attente, sans doute le temps de demander à Muriel où se trouve le Guatemala, puis il m’a accordé cinq minutes entre un plateau à « C dans l’air », une invitation à TF1, son show, et le « Grand Journal » de Canal +. Enfin vient le moment tant attendu. L’émotion m’étreint.

Un sentiment de toute-puissance


- Illustrissime Stéphane Besson…
- Guillon, pas Besson.
- Disculpe. Vous avez soixante ans passés, l’âge des bilans. Vous tutoyez tout ce qui compte à Paris…
- Les gens célèbres se tutoient… Laurence Ferrari, Lolo, la classe absolue. Mougeotte, Arthur, Demorand, Fadela Amara…

(Je l’interrompt. Cinq minutes passent vite.)

- L’intimité avec les grands, vous la devez à France-Inter ?
- Cette belle maison… En 2004, mes portraits sur Canal commençaient à faire du bruit. J’étais déjà doté d’une belle petite réputation de langue de pute.
- Très vite, votre humour dévastateur secoue le macrocosme politico-médiatique…
- Un cataclysme… Une onde de choc… Un tsunami. Terrifiant pour l’égo ! Épuisant et grisant, de se retrouver au centre du jeu médiatique, sous le feu des projecteurs. Le risque dans ce cas-là est de se laisser envahir par un sentiment de toute-puissance.
- Cela vous vaut quelques jalousies ?
- Je fais clairement des envieux.
- On vous écrit, on vous insulte…
- J’avais une toute petite bite, j’étais impuissant, et c’est la grande misère de ma vie sexuelle qui me poussait à injurier.
- Tellement freudienne, cette allusion à la sexualité. Justement, revenons à votre petite enfance, ô combien révélatrice. D’où vous est venue cette passion pour France-Inter ?
- Cette belle radio… Cette grande maison qui a pensé à moi…

(Un moment d’émotion, que je respecte.)

- C’est mon père. Quarante ans qu’il n’écoute que ça. Tous les matins, il est vissé à son poste, impossible de lui parler, c’est la messe.
- Ce père sourd à vos cris silencieux, vous n’avez pu lui parler qu’en prenant le micro. C’est psychologiquement extraordinaire !
- Mon père, qui désespérait que son fils n’eût jamais dépassé la seconde…
- J’imagine son admiration, enfin conquise grâce à un travail accablant !
- Se remettre à écrire tous les jours, c’est un sacerdoce, mais est-ce que le jeu n’en vaut pas la chandelle ?
- Parlons donc de votre méthode de travail.
- C’est mon secret. Comme je ne suis pas doué, je noircis.
- Admirable simplicité, jointe à une immense modestie, conjuguée à une énorme puissance de travail. Et qui résiste aux encens de la gloire. Dès vos débuts…
- On me voit partout.
- Il y a le revers de la médaille… L’incompréhension. Elle vous fait souffrir, comme vous faisaient souffrir les silences paternels…
- L’incompréhension. S’il m’arrivait de faire une imitation, de camper un personnage, cela devenait souvent : Guillon a dit ci, Guillon pense que… J’aurais beau expliquer le principe du sketch, sa construction, sa genèse, je reste à vie le type ayant traité Aubry de petit pot à tabac.

(C’est le moment de rappeler aux lecteurs de « Guatemala International » que Madame Aubry est un personnage éminent de la gauche française.)

- Vos opinions politiques vous mettent de quel côté ?
- Du côté du manche.
- D’où le succès.
- Cinq cent mille connexions internet, des articles à la pelle, une réputation quasi-internationale !
- J’en suis la preuve admirative.
- La gloire.
- La contrepartie est d’attirer quelques jalousies, sans doute ?
- Je fais clairement des envieux. J’ai beau côtoyer le monde des médias depuis des années, l’absence totale d’amour-propre, de fierté et de sens moral me stupéfie toujours. C’est bien crade d’aller voir une mère en cachette…
- J’en reviens à vos opinions politiques. France Inter, pour beaucoup d’observateurs, c’était le saint des saints de la gauche. Son patron est, selon vous, un bon soixantuitard…
- Qui ne joue jamais au chef, sauf si l’on conteste son autorité.

La boule puante de l’antisémitisme

- Alors ?
- La guerre fut totale, la haine incommensurable… Une si belle radio !
- On vous a décrit comme partisan, sectaire. On vous a même accusé d’antisémitisme.
- Des attaques crasses et nauséabondes. Mes beaux-enfants sont juifs. Val voit des antisémites partout. Chaque fois qu’il doit éliminer quelqu’un, il dégaine cette boule puante. Il s’en était servi contre Siné.
- Même les journaux situés à gauche vous attaquent…
- Pourquoi si peu de bienveillance, quand ce sont des journaux a priori plus proches de nous ?
- Pourquoi, en effet ?
- Je pense que le fait que nos billets d’humeur aient été aussi écoutés a fait naître une forme de jalousie non avouée. Des milliers de gens se ruaient chaque matin sur nos chroniques, à Porte et à moi-même, et les commentaient au bureau…
- Le succès rend envieux.
- L’homme le plus puissant de France…
- Vous parlez du Président de la République, sans doute ?
- Me qualifier d’homme le plus puissant de France… Cette missive d’Alain Minc en dit long sur l’inquiétude que je suscitais auprès du pouvoir en place.
- On vous a daubé sur vos vacances dans un cinq étoiles…
- L’humour…
- Sur vos émoluments.
- L’humour…
- Sur les deux cent mille euros d’indemnité de départ.
- L’humour…

(Stéphane Guillon répète une nouvelle fois « l’humour » et me dévisage étrangement. Je m’empresse de prendre congé.)


Toutes les « réponses » de Stéphane Guillon son tirées de son livre : « Je me suis bien amusé, merci », chez Points.

dimanche 16 mars 2014

Le Grand Déconodrôme

Petite devinette.
Qu’est-ce qui existe en Australie, en Malaysie, en Chine, en Espagne, à Monaco, au Canada, en Autriche, en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Hongrie, en Belgique, en Italie, à Singapour, au Japon, en Russie, aux USA, au Brésil, à Abu Dhabi, mais qui n’existe pas en France ?

Vous avez deviné. Chacun de ces pays si divers célèbre une étape du prestigieux Championnat du Monde de Formule 1.
Le dernier Grand Prix de France a eu lieu il y a six ans, comme le temps passe, et n’est pas près de ressusciter.

En tête du peloton

C’était le plus ancien. Le premier GP de France a été couru le 26 juin 1906. La France est alors pionnière dans le domaine de l’automobile. En 1862, Alphonse Beau de Rochas théorise le cycle à quatre temps du moteur à combustion interne.
Et cela continue d’innover, avec Panhard, Levassor, les frères Michelin. Notre pays court en tête du peloton des constructeurs. La France représente plus de cinquante pour cent de la production automobile mondiale, en grande partie grâce à l’aura conféré par la compétition automobile.
On dira qu’aujourd’hui, il y a loin entre la voiture de course et celle de série. Si loin que ça, quand on voit que les systèmes de récupération d’énergie sur les F1 2014 permettent un apport de puissance d’environ 25 %, sans rien coûter en carburant ?
(- Plus de puissance, pourquoi ? Pour aller plus vite ? Assassin ! - Pour consommer moins à performance égale, stupide !)


Potentiellement criminel


Bref regard nostalgique sur le passé. Deux pays proches, deux destins. En France, l’idéologie du transport collectif, si profitable à certains mafieux services publics, a pratiquement tué l’industrie automobile. En Allemagne, on a accepté que l’automobile soit un moyen de transport comme un autre, en laissant le choix et en créant les infrastructures nécessaires. Résultat, les constructeurs français survivent tant bien que mal, plus ou moins soutenus par celui qui les a fait trébucher – L’État. En Allemagne, Mercedes et VAG prospèrent. Il a fallu bien des Montebourg et des Jouanno pour en arriver là.
Pourquoi cette exception française, dans un domaine où la compétition est dure (le secteur automobile), où seule l’excellence permet d’être présent : la compétition automobile au sommet, où rivalisent dans chaque écurie des centaines d’ingénieurs du plus haut niveau ; sans parler des pilotes, bien sûr.
Pourquoi, quand on parle de l’automobile et du transport routier en général, qui assure plus de 90% des déplacements de personnes et des biens malgré les difficultés de circulation, les taxes spécifiques et la pluie des amendes, pourquoi pénètre-t-on dans le Grand Déconodrôme ?
Le formatage des esprits en est la cause évidente. Le transport individuel au moyen d’un véhicule à moteur a été discrédité grâce au procédé classique de la culpabilisation, afin que l’usager ne se rebelle pas. Il s’agit de désigner l’utilisateur d’un véhicule à quatre roues comme un criminel en puissance (certains le sont effectivement), et cette idée a pour dérivée celle de la prévention routière, qui consiste en gros à punir celui qui n’a commis aucun tort à autrui (sinon à un règlement), mais qui serait susceptible de le faire.
(Potentiellement coupable, cela vous rappelle quelque chose ?)
Le thème qui sous-tend ce conditionnement est celui de la dangerosité de l’automobile. On va jusqu’à parler d’un génocide routier.
(Non, toujours rien ?)
L’excès est-il insignifiant ? Pas quand il s’agit de mater le troupeau ahuri des cochons de payants.

Statistiques artificieuses

Il convient donc ici de questionner le credo de la dangerosité automobile, bâti à force de chiffres trafiqués, ou astucieusement présentés.
La dangerosité d’une         activité s’évalue en fonction du nombre de participants rapporté à celui des victimes. Pour les transports, l’accidentologie s’exprime en millions de kilomètres/passagers. C'est la seule méthode valable. Parler de 4000 morts, plus ou moins, n'a rien de scientifique. Mais ça en jette, Madame Perrichon le sait bien.
Le parc automobile français dépasse 38 millions de véhicules, qui parcourent annuellement 15 000 kilomètres environ, avec à bord un peu plus d'une personne. Soit, à la louche, six cent mille millions de kilomètres/passagers. Un chiffre suivi de  huit zéros, à rapporter aux 4000 morts annuels.
L'accidentologie de la voiture est, en Europe, de +/- 0.7 morts par 100 millions de km/passagers. Celle du deux-roues de 13,8. Celle du déplacement pédestre de 6,4 (tués par des voitures, diront les ricaneurs). Celles du transport nautique de 0,25, soit seulement 3 fois moins que l'automobile. Celle du transport aérien de 0,035, soit seulement 20 fois moins.
Seulement ? Oui, seulement, lorsqu'on songe à ce que le transport routier est ouvert à tout un chacun, ou presque, et à comparer avec toutes les mesures de sécurité qui entourent le transport aérien.
Statistiques artificieuses ? L’une d’elles vaut son pesant de cacahuètes : on constatait que les femmes avaient beaucoup moins d’accidents que les hommes, ces machos qui mesurent leur degré de virilité à la longueur du capot de leur bagnole.
C’était exact.
J’ai pu constater qu’aux Îles Tonga, il n’y a pratiquement aucun accident de la route. Les Tongais, peuple éminemment pacifique comme on sait, doivent être des gens rudement prudents, et seuls de mauvais esprits insinueront que l’absence de route peut expliquer cela.
Il serait vain de réfuter point par point les inepties qui jalonnent le Grand Déconodrôme, et qui valent aux Français, pour une bonne part, d’être absents de cette grand’messe de l’automobile qu’est le Championnat du Monde de F1. Si l’automobile c’est le mal, que penser de son apothéose toute satanique !
La bagnole, c’est pas bien, Denis Baupin – dont je n’ose mettre le patronyme au féminin – ne vous le répétera jamais assez. C’est pas bien, parce que ça pollue, c’est bruyant, c’est dangereux. Cela en oubliant que le transport individuel par voie routière, qui va de porte à porte sans solution de continuité, est facteur de liberté et, par là, de fluidité des échanges et de développement économique.
Trop libérale, la faculté de se déplacer à sa guise ? Vive le collectivisme et le troupeau !

Caprices de potentat

Le Français est autophobe, constatait amèrement le quadruple champion du monde Alain Prost après ses vaines tentatives pour ressusciter un Grand Prix de France. Des projets solides ont été montés, et soumis à l’approbation du Ministre d’État aux sports. En novembre 2014, c’était Chantal Jouanno, ancienne ministre de l’écologie et adepte du Velib. Chantal a noyé le poisson dans la nappe phréatique et la « compensation carbone », une de nos superbes usines à gaz.

Fin de la récréation. De toute façon, aujourd’hui, c’est trop tard dans une France économiquement exsangue. Le dernier Grand Prix de France a eu lieu à Magny-Cours, près de Nevers ; site malencontreux en raison d’un réseau routier anémique et d’une capacité hôtelière dérisoire. Mais Mitterrand avait voulu faire plaisir à Beregovoy, de même que l’État avait puisé dans les poches du contribuable pour soutenir l’écurie Ligier.
Caprices de potentat.
Et c’est le moment de rappeler que le sport automobile exige de gros investissements en infrastructure, comme les autres sports, mais que le coût de fonctionnement ne doit rien au secteur public.

Il faut aussi rappeler tardivement à maman Jouanno, dont le féminisme ne saurait être mis en doute, que le sport automobile est le moins sexiste qui soit, puisque les femmes ont toute latitude d’y concourir à égalité avec les hommes.
Certes, elles n’ont pas brillé jusqu’ici, mais elles ne sont pas ostracisées. La dernière recrue du team Williams, lui-même dirigé par l’autrichienne Monisha Kaltenborn, est Simona de Silvestro. La jeune Suisse a beaucoup de travail en perspective pour se mettre à niveau, mais aucune porte ne s’est fermée devant elle (au contraire, une femme sur la grille de départ, quelle bonne publicité !)

D’autres sports, rares, sont ouverts aux femmes sans distinction de sexe, comme l’équitation. Certaines, même, y dominent souvent les concurrents hommes, comme dans le dressage…

(Aïe !)

L’autophobie, j’en perçois comme un lointain écho venant du jardin public où j’emmenais ma fille.
Les enfants aiment courir, aller vite ; plus tard, avec des jouets d’adulte qui vont plus vite.

(et rien de tel que de rouler sur un circuit de vitesse pour que le jeune adulte ne fasse pas joujou sur les roues ouvertes, croyez-moi).

Au jardin, on entend des mères inquiètes : « Ne cours pas, tu vas tomber ! » Et l’enfant tombe, naturellement !

L’homme est un enfant qui joue, disait Nietzsche. Le jeu, c’est aussi la confrontation sportive, la compétition.

Les femmes sont généralement trop sérieuses pour jouer. La compétition, quelle horreur !


La gynocratie, c’est aujourd’hui.


Prochain billet : L'itinéraire d'un enfant martyr